Changements et adaptation

Le bord du Golfe du Mexique est un endroit où la météo est changeante, un peu comme au Québec. Comme il s’agit du sport national, parler de la météo, il allait de soi de tenir un article sur le sujet. Un ciel dégagé a permis d’observer quelques étoiles la nuit alors que des éclairs jaillissaient à l’occasion. L’endroit où se trouve la Tortue Têtue est coincé entre le Golfe du Mexique et un bayou. Les éclairs illuminaient principalement du côté bayou. Sur la plage, on pouvait lire : « Only bring back memories, leave only footprints. » C’est ce qu’on a fait.

Journées ensoleillées, venteuses. On profite de la chaleur, de la mer. Plus tard, il annonçait un orage. On s’est éloigné de la plage malgré les dunes qui nous protégeaient. Vers 21:00, il ventait à écorner les boeufs (près de 80 km/h) sur le Golfe. Une veille de tornade planait sur nos têtes. À 23:30, il a commencé (enfin) à pleuvoir. 20 minutes après, c’était fini. Un autre jour, il faisait froid, genre 18 degrés Celsius. C’est fou comment le corps s’habitue aux températures élevées et qu’une légère baisse de température nous rend chochotte.

Pendant une autre nuit, le plus monstrueux et le plus fort orage depuis que nous avons quitté. Il a plu toute la nuit près de 35 mm de pluie. Sur le bord de la mer, dans une canne de tôle, on sent toute notre vulnérabilité jusqu’au bout des doigts. Au lever du corps, c’est une température extérieure de 50 degrés F (la plus froide journée depuis que nous avons quitté les grands lacs) mais, nos canadien.ne.s français ce sont garoché.e.s à l’eau pendant presque une heure.

Nous avons eu l’occasion de regarder un film sur les « Moonwalkers », les 12 humains qui ont foulé le sol lunaire. Alors qu’il y a plus de 50 ans, des équipes composées de milliers d’hommes, de femmes, de plusieurs personnes issues de l’immigration ont travaillé conjointement pour que 12 personnes mettent le pied sur la Lune, à 240000 miles de la Terre, après avoir voyagé pendant trois jours à une vitesse de plus de 25000 miles à l’heure. Un sentiment d’extrême petitesse nous a rempli quand on prend le temps d’y penser réellement. Étrangement, un sentiment de vastitude nous habite. Le narrateur, Tom Hanks, termine le film sur ces paroles : « S’il a été possible d’envoyer douze personnes marcher sur la Lune, nous pouvons accomplir n’importe quoi. » C’est le n’importe quoi qui mérite une réflexion.

La vie nomade demande une adaptation à plusieurs niveaux. On s’aperçoit que, dans l’absence d’abondance, une incertitude s’installe. Nous devons réfléchir à nos prochains arrêts afin de s’assurer que nous ne manquerons de rien. Nous prenons tranquillement conscience de notre vulnérabilité par rapport au manque de ressources. Et, tout, absolument tout devient une ressource: la nourriture, l’eau potable, l’eau de service, les eaux usées, l’électricité, l’essence, le propane, les données, l’espace, le temps et l’argent. Pour répondre aux multiples besoins, il nous faut expérimenter. Prendre conscience de ce qui est disponible, ce qui est nécessaire. Juste prendre conscience, chacun à son rythme. Comme la météo, la vie nomade est ponctuée de changements. Cette prise de conscience permettra d’établir les bases d’un niveau d’aise familial pour la suite du périple. Il y a des constats et des adaptations dignes de mention.

A titre d’exemple, on  estime entre 300 et 400 L d’eau potable la consommation par jour d’une personne résidant au Québec. À bord du bus, il y a une capacité d’environ 360 L d’eau de service et une quarantaine de litres d’eau potable. Cependant, la réserve d’eaux usées se limite à 180 L, en théorie. Nous commençons à avoir des métriques par rapport à notre consommation mais, la rareté de la ressource fait son oeuvre. On réfléchit toujours à l’eau usée générée pour une utilisation. Évidemment, nous n’avons pas de laveuse à bord et nous limitons les douches au maximum. La vaisselle, le lavage des mains, le brossage des dents et nos déjections constituent l’essentiel de notre génération d’eau. Il faut donc prévoir les vidanges régulièrement. Les stations de vidange sont généralement plus simples à trouver que les stations de remplissage d’eau de service. C’est dans ces endroits paradisiaques, aux doux parfums délicats que nous prenons le temps de nous doucher comme il se doit.

Nous avons constaté que notre utilisation nous permet d’avoir 4 jours d’autonomie sans vidanger. Faisons les maths : 180 L divisé par 4 jour, ça fait 45 L/jour. À 5 personnes, ça fait 9 L par personne par jour, soit plus de 30 fois moins d’eau qu’une personne résidant au Québec. Cette adaptation en seulement deux mois de vie nomade. C’est fascinant ce qu’en si peu de temps, l’être humain peut aussi facilement s’y retrouver et s’adapter. La vie nomade est un continuel changement pour lequel il faille s’adapter. Nous le faisons jusqu’à présent, avec brio.

Notre séjour au bord du Golfe du Mexique a été marqué par une autre citation, celle de Stephen Hawkins : « Intelligence is the ability to adapt to change. » Nous espérons devenir un peu plus intelligents lors de notre retour au Québec.


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